Les MRE réclament plus de clarté du CCME

1er juillet 2008 - 19h17 - Maroc - Ecrit par : L.A

Voilà près d’un mois que l’avant projet du programme d’activités 2008-2009 du CCME a été porté à la connaissance de toutes et tous. Il a été accompagné d’un grand nombre de déclarations et d’explications de ses responsables. Cet écrit et ces déclarations ont suscité ici et là des réactions de désapprobation, d’indignation voire de colère. Il est vrai que les raisons ne manquent pas.

S’agissant de l’écrit et plus encore du processus qui en est à l’origine, auquel plusieurs d’entre nous ont participé, force est de constater qu’il est impossible de passer sous silence plusieurs aspects qui ont fortement choqué :

• S’il convient d’acter la liberté de paroles des intervenants, il convient aussi de se rendre à l’évidence que ces paroles n’ont eu aucun effet sur ce qui ressemblait fort à une trame déjà définie ou à un scénario établi et à des choix et décisions qui étaient déjà arrêtés. Ce faisant, et avec le recul, ce processus a plus servi à légitimer ces choix qu’à les forger. Il a été fait état de statistiques et d’informations tirées de ces consultations, or, à notre connaissance, aucun compte rendu des quatre séminaires tenus à Rabat n’a été publié, ni d’ailleurs ceux relatifs aux innombrables réunions tenues dans les différents pays, exception faite de celle tenue aux Pays-Bas.
• Mieux encore, les tenants d’une ligne divergente ont été écartés au profit de celles et ceux qui abondaient dans le sens voulu. Le résultat est on ne peut plus patent : Un droit fondamental, car constitutionnel, a été relégué au même niveau et rang que des aspirations, certes importantes et légitimes, mais non consubstantielles de la citoyenneté marocaine (une commission parmi les six figurant dans l’avant projet).

Il est donc difficile de donner un crédit quelconque aux déclarations des responsables lorsque ceux-ci affirment qu’ils privilégient une approche juridique dans le cadre de cette instance.

• Les cooptés, principalement ceux issus du milieu associatif, ont tôt fait d’adopter un discours destiné à désarmer toute velléité de contestation de la ligne officielle. D’ailleurs, ils n’ont pas attendu de voir leur désignation officialisée pour s’aligner ; en témoignent les changements étonnants et inattendus de certaines positions lors du processus et, pour ceux dont la cooptation n’était pas encore acquise, faire preuve de zèle en s’attaquant nommément à telle ou telle personne qui était porteuse d’un discours différent. La recomposition de certaines associations en dit long sur les dégâts collatéraux d’un tel processus.

S’agissant de l’écrit et des déclarations, cet avant projet ne nous paraît pas conforme aux attentes des citoyens que nous sommes et cela pour de multiples raisons :

• On ne peut manquer de relever une fois encore, qu’un tel projet est porteur du « gel » d’un droit constitutionnel, à savoir le droit de tout citoyen d’être électeur et éligible. Arguer, d’une bi-appartenance ou pis encore d’une double allégeance et des difficultés que créerait l’exercice d’un tel droit, c’est passer par pertes et profits, celles et ceux qui ont donné leurs vies pour un Maroc indépendant, sous l’égide de son Souverain et maître des décisions qui le concernent. D’autant que l’un des attributs de ce droit a déjà été exercé par le passé. Le maintien de ce gel est d’autant plus regrettable qu’il dénote au regard des avancées démocratiques reconnues par toutes et tous, tant par les marocaines et les marocains que les Observateurs étrangers.

C’est aussi prendre le risque de choquer le conscient et l’inconscient de beaucoup d’entre nous à qui certains partis extrémistes rappellent depuis le début des années 80 qu’une telle bi-appartenance est synonyme de trahison de leur pays d’accueil au profit de leur pays d’origine ou d’un autre pays. La cabale dont M. Stoléru a été l’objet est encore présente dans les esprits. Il est étonnant que les responsables du CCME aient opportunément oublié plusieurs cas de responsables politiques élus ou désignés avec rang de Ministre, dans plusieurs autres pays, alors qu’ils ont une voire deux nationalités différentes de celle du pays où ils exercent.

Il nous semble dangereux, déjà en tant que tel, de « geler les droits constitutionnels » des citoyens marocains, et plus encore d’en faire l’objet de la réflexion d’une instance consultative comme le CCME. Cela ne peut aboutir qu’à une citoyenneté à géométrie variable, autant dire à la disparition d’un élément fondamental d’unicité de notre pays.

• Il semble que l’on ait également passé par pertes et profits l’avenir de nos enfants, à qui nous devons expliquer qu’ils sont citoyens de leurs pays d’accueil et qu’ils ne le sont pas autant, voire plus du tout, de leur pays d’origine. Après cela, allez leur expliquer qu’ils doivent entretenir une place particulière dans leurs cœurs et esprits pour le Maroc.

Le divorce avec la génération actuelle et plus encore avec celles à venir est sur le point d’être consommé. En effet, Lorsque les responsables déclarent d’une part : « notre force viendra de cette intégration » ; ou encore « Le Conseil veut mettre en œuvre une stratégie afin que les MRE défendent leur pays, véhiculent une nouvelle image ».

Là encore le conscient et l’inconscient des nôtres sont soumis à rude épreuve : le terme d’intégration est refusé par beaucoup, car ils sont nés en France, Belgique, Allemagne, Hollande etc. ; et ils refusent à juste titre ce terme « d’intégration », car ils sont naturellement citoyens de ces pays et rejettent catégoriquement que l’on évoque leur appartenance à ces pays au titre de pièce rapportée, qui aurait été polie pour adopter la forme qui sied à la place qui lui est généreusement concédée.

De même qu’il ne nous paraît pas approprié de qualifier ou désigner la communauté scientifique marocaine où qu’elle se trouve de « diaspora ». Il n’est nullement besoin de remonter à l’étymologie du mot pour constater qu’il ne trouve pas à s’appliquer à notre communauté.

Pour ce qui est de la défense d’un pays et la nouvelle image que l’on souhaiterait nous voir véhiculer, est-ce celle d’un pays qui déchoit « momentanément » ses citoyens d’un droit fondamental, car ils vivent à l’étranger ? Est-ce celle d’un pays qui abdique devant le diktat de certains courants politiques des pays d’accueil ou d’une idéologie rétrograde ? Est-ce celle d’un pays qui souhaite que l’on défende son image alors qu’il ne défend pas l’un des droits fondamentaux de ses citoyens ?

• Le poids des mots est encore plus lourd à supporter, lorsqu’une « communauté une et indivisible » se retrouve divisée, segmentée en « communautés », à 16 reprises dans l’avant projet. Que nous soyons toutes et tous différents est une évidence, que nous ayons toutes et tous des aspirations variées et diverses est une autre évidence, mais aux yeux des nôtres nous ne devons être qu’une et une seule identité, indivisible et unie par la même appartenance et la même destinée. Aucun exercice académique ne saurait méconnaître cela, surtout s’il est le fait d’une entité censée être à notre écoute et nous connaître mieux que personne.

Enfin, d’aucuns ne manqueront pas de noter l’absence d’une partie de nos sœurs et frères de la réflexion du CCME. Cela est d’autant plus choquant que les responsables de celui-ci sont issus du CCDH. Il s’agit de celles et ceux que certains qualifient « d’émigrés clandestins ». Combien d’entre nous l’ont été, avant de devenir, ailleurs, des immigrés légaux puis des citoyens à part entière ? Méritent-ils d’être oubliés et méprisés chez eux, alors qu’ils sont en situation difficile et parfois même victimes d’injustices sans nom dans les pays où ils ont pu s’établir ? Les reconnaîtra-t-on mieux, lorsqu’ils seront parvenus à être régularisés et à être des contributeurs à l’économie marocaine comme les autres ?

Au final, nous ne pouvons échapper à une interrogation : puisque le CCME n’est ni un centre de recherche et de réflexion sur l’émigration marocaine ni une Administration ni un Ministère, alors qu’est-il ? Et plus encore, à quoi sert-il en l’état ? Et, corollaire naturel, est-il nécessaire d’entretenir une telle structure quatre ans ? Un an ne suffit-il pas ? De façon plus fondamentale, est-il plus à même de répondre à l’attente des RME que les Administrations et Ministères ?

Il eut été bien plus efficace et moins coûteux pour toutes et tous, de travailler dans le sens d’une meilleure coordination des actions des différentes Administrations et Ministères afin de répondre aux attentes immédiates et concrètes des RME. De veiller à l’exercice de leurs droits constitutionnels qui, s’agissant du droit de vote, a déjà été exercé par le passé auprès des autorités consulaires. Il existe un Ministère en charge des RME tout désigné pour cela. Dès lors, celui-ci pourrait prendre en charge tant la mise en place des structures de réflexion que la coordination des actions des différentes Administrations et Ministères. Ainsi si le Ministère des RME fait tout cela, le CCME pourrait faire le reste. Mais que resterait-il alors ? Peut-être l’étude de la congruence des modes de consommation des RME en fonction de leur pays de provenance !

Nous en appelons à la réaction de toutes et tous, à l’intérieur comme à l’extérieur du Maroc, avant tout :

Afin que le droit inaliénable et constitutionnel de toute marocaine et de tout marocain soit réaffirmé et de nouveau rendu effectif. Afin que l’avant projet du CCME soit revu à l’aune des réelles aspirations des RME, à savoir : une représentation légitime, seule à même de défendre réellement leurs intérêts, une action immédiate. Afin que tous les problèmes fiscaux, juridiques, économiques, sociaux… soient effectivement réglés.

• Que les scandales immobiliers dont certains d’entre nous ont été victimes soient actés, sanctionnés et réparés ;
• Que les conventions passées avec certains pays d’accueil qui tendent à léser les intérêts des plus anciens d’entre nous soient revues et corrigées ;
• Que l’exode permanent et sans fin des plus anciens soient solutionnés pour leur permettre de vivre décemment leurs dernières années de vie.
• Que nos compatriotes en situation irrégulière ne soient plus considérés comme les parias de la terre par des Autorités quelles qu’elles soient.
• Que le mode de fonctionnement des Consulats soit revu et rendu plus efficace et plus respectueux de chacune et chacun.

C’est avec de tels actes et plus encore leurs résultats, que beaucoup d’entre nous porteront avec fierté l’image d’un pays démocratique, moderne et porteur de traditions séculaires et d’une culture vivace, d’une identité en somme, qui est parfaitement incarnée par le Souverain qui est le nôtre.

Communiqué du Collectif CCME-France

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