Le ministre de la justice contre la ripouïsation de la justice marocaine

29 août 2003 - 12h09 - Maroc - Ecrit par :

L’opération "mani pulite" de Mohamed Bouzoubaa

Neuf juges suspendus, dont cinq devraient passer devant la cour spéciale de justice dans les prochaines semaines, tandis que 3 autres ont été mutés. En tout 11 juges, soit la moitié des juges de la cour d’appel de Tétouan, ont directement été sanctionnés pour leur implication dans le vaste réseau mafieux démantelé au début du mois d’août

C’est sur un ton grave que le ministre de la Justice, M. Mohamed Bouzoubaa, qui organisait sa deuxième conférence de presse en moins d’un mois, évoquera la sensibilité de cette affaire qui a révélé "l’implication de plusieurs hauts responsables appartenant à différents corps d’Etat".

La situation est grave, dira-t-il parce qu’il s’agit de hauts responsables de l’administration des forces de l’ordre, de la gendarmerie royale, des douanes, d’hommes d’affaires et d’un président de commune. Dès le 5 août, soit deux jours après le déclenchement de cette affaire, le ministre affirme avoir "dépêché une commission d’inspection à Tétouan composée de grands juges". C’est cette commission qui a élaboré le rapport préliminaire qui s’est "avéré suffisamment étayé pour permettre à la police judiciaire de mener son enquête", a déclaré M.Bouzoubaa.

Résultat de cette opération mani pulite (mains propres) : Mounir Erramach et 17 autres inculpés seront déférés par le procureur du Roi près de la cour d’appel de Tétouan devant le juge d’instruction. Parmi eux un préfet, des commissaires divisionnaires (2), des officiers supérieurs (4), des magistrats (5), des gendarmes (2), un agent technique de l’administration des douanes et un rédacteur judiciaire principal. A l’exception de Mounir Erramach, qui est un trafiquant de drogue notoire, tous les inculpés appartiennent au corps de l’Etat.

A ce sujet le ministre insistera sur deux points importants. D’abord sur la "qualité" des personnes impliquées chargées traditionnellement de la sécurité des citoyens et du bon fonctionnement de l’Etat. Ensuite sur les dispositions et les mesures prises par l’Etat pour contrer la corruption.

En d’autres termes, c’est la "ripouïsation" de la justice qui est ici mise en avant pour justifier la rapidité et le sérieux avec lesquels ce très épineux dossier est traité. "Le Ministère public n’hésitera pas à aller très loin dans l’exécution effective des directives royales", à savoir le contrôle rigoureux et la bonne gestion de la chose publique. Les personnes arrêtées qui sont toutes poursuivies pour association de malfaiteurs, trafic de drogue lié à un réseau international, tentative d’homicide avec préméditation et détention illégale d’armes, pourraient voir leurs rangs grossir dans les semaines à venir. "L’enquête est loin d’être terminée",, a déclaré M.Bouzoubaa qui a tout de même rappelé l’aspect insolite de cette affaire déclenchée suite à un règlement de comptes entre trafiquants. Une simple bagarre entre des membres du grand banditisme national qui s’est transformée en un quart de tour en affaire d’Etat.

Aux procès sur le terrorisme intégriste qui ont commencé le 21 juillet à Casablanca et qui se poursuivent à Rabat, vont s’ajouter ceux de plusieurs uniformes et de robes noires qui seront jugés par une cour spéciale "par attachement aux principes de l’égalité devant la loi et à la sacralité et l’honneur dont ils sont chargés", a expliqué le ministre.

Répondant à Libé sur "la surcharge" possible de la justice marocaine, le ministre a estimé que si la justice allait devoir compter sur neuf magistrats en moins pour faire son travail, l’important était de "mettre fin à l’impunité et de protéger l’Etat de Droit".

Libération (Casablanca)

27 Août 2003
Amina Talhimet

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Droits et Justice - Corruption - Procès

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : révocation en vue des députés poursuivis par la justice

Les députés poursuivis par la justice pour détournement ou dilapidation de fonds au Maroc pourraient être déchus de leurs mandats. La Chambre des représentants s’apprête à voter des amendements dans ce sens.

Mohamed Ihattaren rattrapé par la justice

Selon un média néerlandais, Mohamed Ihattaren aurait des démêlés avec la justice. Le joueur d’origine marocaine serait poursuivi pour agression et tentative d’incitation à la menace.

Prison : le Maroc explore les « jour-amendes »

L’introduction du système de jour-amende dans le cadre des peines alternatives pourrait devenir une réalité au Maroc. Une loi devrait être bientôt votée dans ce sens.

Maroc : utilisation frauduleuse de l’autorisation de polygamie

Le premier président de la Cour de cassation et président délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), Mohamed Abdennabaoui, a mis en garde les présidents des tribunaux contre l’utilisation frauduleuse de l’autorisation de polygamie.

Maroc : 20 affaires de détournement de fonds publics devant la justice

Le président du ministère public a été saisi par le procureur général du Roi près la Cour des comptes de 20 affaires de détournement de deniers publics au titre de l’année 2021.

Redressement fiscal : Sound Energy fait appel

La compagnie gazière britannique Sound Energy annonce avoir fait appel devant le tribunal administratif, en vue de contester le redressement fiscal mené en 2020 par l’administration générale des Impôts, qui lui a réclamé 2,55 millions de dollars d’impôts.

Vers une révolution des droits des femmes au Maroc ?

Le gouvernement marocain s’apprête à modifier le Code de la famille ou Moudawana pour promouvoir une égalité entre l’homme et la femme et davantage garantir les droits des femmes et des enfants.

Corruption au Maroc : Les chiffres alarmants

La lutte contre la corruption ne produit pas de résultats encourageants au Maroc qui est mal logé dans les classements mondiaux depuis quatre ans.

Accusé de viol, Achraf Hakimi se sent « trompé et piégé », selon ses proches

Achraf Hakimi a été mis en examen vendredi pour viol. Le défenseur marocain du Paris Saint-Germain (PSG), qui nie les faits, est soutenu par sa famille et son club. Selon ses proches, il dit se sentir « trompé ».

Le chanteur Adil Miloudi recherché par la police

Le célèbre chanteur marocain Adil El Miloudi est sous le coup d’un mandat d’arrêt pour avoir, dans une vidéo, menacé des fonctionnaires de police.