Mariage forcé : un témoignage poignant

26 juillet 2002 - 20h48 - Maroc - Ecrit par :

On aurait certes pu présenter la chose selon l’usage et la pratique que nous dicte notre travail de journaliste. Mais ce témoignage, qui du reste indigne une société qui se cantonne souvent dans le silence face aux grandes questions de l’heure, se passe de tout commentaire. Lisez-le, vous saurez pourquoi.

« Je suis née dans une famille conservatrice à Oujda qui estime que le mariage est l’aboutissement naturel à la destinée de chaque fille. A mes 15 ans révolus, j’ai épousé sous la pression de mes parents, Mounir.

De 4 ans mon aîné, il cherchait une épouse mais aussi une aide domestique pour sa mère malade. Mariée, je m’acquittais de toutes les tâches ménagères tout en subissant les remarques désobligeantes de ma belle-mère, ses humiliations et l’agressivité de mon époux. Ce fut mon quotidien.

Epuisée, je ne savais plus comment les contenter, quel comportement adopter. Je m’investissais dans ce qui leur semblait le bon sens, mais leur colère augmentait. Exaspéré par nos disputes et sous les encouragements de sa mère, Mounir s’est remarié.

Sa deuxième femme est venue habiter avec nous. Comme vous le savez, dès le premier soir,les tensions se sont installées, j’ai cédé ma chambre à coucher, j’ai perdu mon statut d’épouse pour devenir la bonne à tout faire.

Seulement, il m’était de plus en plus difficile d’encaisser les médisances de ma rivale, les injures de ma belle-mère et la violence de mon mari. C’était intenable.

Alors, j’ai décidé de revenir chez mes parents espérant qu’ils comprendraient ma situation et surtout qu’ils m’aideraient à obtenir mon divorce. Un espoir tout à fait déchu car il était hors de question, pour ces derniers, que les gens me qualifient de « divorcée », une atteinte à notre honneur. Mais Mounir nous a devancés et me fit parvenir mon acte de répudiation.

Seule au monde
Quelques mois plus tard, sa femme se retrouve enceinte et il revient à la charge pour que je revienne à la maison. Sitôt répudiée, sitôt reprise. Revenue, ma situation ne changea guère, l’ambiance était morbide, les gifles pleuvaient de partout et la vie avait toujours ce goût d’amertume et de désespoir que je cherchais à oublier en revenant chez mes parents. J’étais devenue un ballon avec lequel mon mari jouait à sa guise jusqu’à ce qu’il me répudie pour une troisième fois.

Incapable de retourner chez mes parents, j’ai décidé de louer une petite chambre et de chercher un travail qui m’assure mon indépendance. Essayant de renaître tant bien que mal, je me vois harcelée par Mounir qui désire que je revienne à la maison et qui commence à chercher un mohalil pour que nous puissions nous remarier.

Désemparée et seule, je lui ai fait de nouveau confiance et nous eûmes des relations sexuelles en attendant de régulariser notre statut. Malheureusement, je suis tombée enceinte sans que ma situation ne change d’un iota. Mon ex-mari m’a prise chez lui où j’ai accouché et par la suite, il m’a chassée pour confier mon bébé à sa femme, déclaré officiellement sous le nom de celle-ci.

Je ne sais que faire. Je me sens perdue, toute ma vie, j’ai fait ce qu’on m’a ordonné de faire. Je ne veux pas que ma fille subisse mon sort. Je ne peux m’adresser à la justice car je serais poursuivie pour atteinte aux bonnes mœurs.

Quant à faire annuler la filiation établie et prouver la mienne me demanderont des moyens financiers dont je ne dispose pas. Pensez-vous que cela soit juste ? Pourquoi les services concernés ne nous prêtent-ils pas leur aide au lieu de nous juger sur des comportements que nous avons subis et non choisis ? »

Houda (Oujda) pour Menara Femmes

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Moudawana (Code de la famille) - Mariage forcé - Femme marocaine - Mariage

Aller plus loin

Belgique : des parents en prison pour avoir forcé leur fille à se marier

Un couple a écopé, le 22 octobre, de deux ans de prison, dont la moitié avec sursis, et doit payer une amende de 2.000 euros pour avoir violenté et forcé sa fille de 18 ans à se...

Ces articles devraient vous intéresser :

Femmes ingénieures : le Maroc en avance sur la France

Au Maroc, la plupart des jeunes filles optent pour des études scientifiques. Contrairement à la France, elles sont nombreuses à intégrer les écoles d’ingénieurs.

Le droit des femmes à l’héritage, une question encore taboue au Maroc

Le droit à l’égalité dans l’héritage reste une équation à résoudre dans le cadre de la réforme du Code de la famille au Maroc. Les modernistes et les conservateurs s’opposent sur la reconnaissance de ce droit aux femmes.

Maroc : des changements majeurs pour les MRE en matière de droit de la famille

Le Maroc a décidé d’alléger considérablement les procédures administratives en matière du Droit de la famille, notamment le mariage, le divorce et l’état civil en faveur des Marocains résidant à l’étranger (MRE).

Maroc : la réforme du Code de la famille fait toujours jaser

La réforme du Code de la famille a du mal à passer au Maroc. Face aux conservateurs et chefs religieux, le gouvernement n’arrive pas encore à trouver la bonne formule pour mettre fin aux discriminations envers les femmes en matière de succession, à la...

Couples non mariés et hôtels au Maroc : vers la fin des abus ?

Abdellatif Ouahbi, ministre de la Justice, lance un avertissement aux hôtels qui exigent des documents non autorisés notamment un certificat de mariage des couples marocains.

Saâd Lamjarred et Ghita El Alaki se marient le 17 novembre au Maroc

Après Paris, le chanteur marocain Saâd Lamjarred et Ghita El Alaki, vont organiser leur mariage au Maroc le 17 novembre prochain. Une cérémonie à laquelle seront conviés sa famille, des fans et amis marocains.

« Épouse-moi sans dot » : un hashtag qui fait polémique au Maroc

Le hashtag « Épouse-moi sans dot » qui s’est rapidement répandu sur les réseaux sociaux ces derniers jours, a suscité une avalanche de réactions au Maroc. Alors que certains internautes adhèrent à l’idée, d’autres la réprouvent fortement.

Maroc : plus de mariages, moins de divorces

Le Haut-commissariat au plan (HCP) vient de livrer les dernières tendances sur l’évolution démographique, le mariage, le divorce et le taux de procréation par rapport à 2020, année de la survenue de la crise sanitaire du Covid-19.

Youssra Zouaghi, Maroco-néerlandaise, raconte l’inceste dans un livre

Victime d’abus sexuels et de négligence émotionnelle pendant son enfance, Youssra Zouaghi, 31 ans, raconte son histoire dans son ouvrage titré « Freed from Silence ». Une manière pour elle d’encourager d’autres victimes à briser le silence.

Maroc : la grande réforme du Code de la famille est lancée

Suite aux instructions du roi Mohammed VI, le gouvernement d’Aziz Akhannouch s’active pour la réforme du Code de famille.