Comment les Marocains se débrouillent face à la flambée des prix

30 juin 2008 - 19h48 - Maroc - Ecrit par : L.A

De la hausse des prix, ce sont les ménagères qui savent le mieux en parler. Peu enclines aux revendications trop généralistes des militants, leur langage a le mérite d’être clair. Leur calcul est simple. Il se base sur ce qu’elles pouvaient acheter en ayant 100 dirhams en poche il y a quelques années et ce qu’elles peuvent acheter maintenant avec la même somme. L’inflation devient tout à coup palpable. Mais, les astuces ne manquent pas pour s’en sortir malgré tout...

Le coût de la vie devient insupportable. Ce n’est pas là le cri désespéré d’un militant de la première heure. C’est plutôt le constat établi en mots simples et avec un soupir sincère par Hafida. Ce matin, elle revient du marché avec un couffin à moitié rempli. Mère de trois enfants, cette femme au foyer confie que les 2300 dirhams que gagne son mari chaque mois de son travail de manœuvre dans une usine d’emballage ne lui suffisent plus. Ses arguments coulent de source.

« Avec 200 dirhams, je pouvais acheter des légumes, du sucre, de l’huile et de la farine pour toute la semaine il y a à peine trois ans. Aujourd’hui, si je voulais effectuer les mêmes dépenses, il me faudrait 100 dirhams par jour », se plaint Hafida. Pour être claire, la ménagère énumère les différentes hausses qu’ont connues les prix des denrées essentielles.

Après l’huile qui a connu ces derniers mois des hausses successives et qui se vend actuellement à 76 dirhams la bouteille de 5 litres, c’était autour de la farine de connaître une hausse aussi déconcertante. Elle se vend aujourd’hui à près de 100 dirhams le sac de 25 kilos. C’est ce qui fait, explique Hafida, que tout ce qui est fabriqué à base de blé, a connu la même flambée. Elle cite comme exemple les différentes sortes de pâtes qui lui permettaient parfois de varier, d’une manière économique, son menu. « Même le prix des lentilles sèches est passé cette semaine même de 10 dirhams le kilo à 13. C’est du jamais vu », proteste Hafida. Cette denrée, confie la ménagère, constituait le plat du pauvre quand elle ne coûtait, il y a moins de deux ans, que trois dirhams le kilo. « Nous allons devoir nous habituer pour le prochain ramadan à la harira sans ‘caillasses’ », ironise la bonne dame. Encore que la tomate est elle aussi devenue hors de prix, nuance-t-elle. C’est ce qui lui permet d’évoquer le rayon des légumes. Là aussi, son réquisitoire est amer.

« Je ne comprends pas comment peut vivre le pauvre avec une tomate à plus de cinq dirhams le kilo et des pommes de terre qui sont au bas mot à 4 dirhams le kilo », s’interroge la ménagère. Elle est rejointe dans ses complaintes par l’une de ses voisines. Cette dernière se lance, sans la moindre introduction, dans de longues protestations : « et le lait qui se vend aujourd’hui à 6 DH 40 le litre, le beurre dont le prix a presque doublé, le pain de sucre qui se vend à 12 dirhams... ».

Les deux voisines ne reprennent leur souffle que pour répondre à cette question : mais alors comment fait le pauvre pour survivre ?

Le système D

Face à la flambée des prix, certains fatalistes disent vivre avec la baraka du Tout Puissant. Hafida et sa voisine ne sont pas de ceux-là. Elles ont chacune sa recette pour joindre les deux bouts, même si toutes les deux, avouent que leur combat quotidien avec « zmane » (ndlr, la vie et ses besoins) devient de plus en plus difficile. N’empêche que leurs astuces sont intrigantes.

Bien sûr, comme la plupart des Marocains, la meilleure période pour les deux ménagères est la première semaine du mois. « C’est le quart joyeux », lance Hafida. « C’est seulement en cette période que les fruits, bien sûr les moins chers, ‘entrent’ chez nous et c’est en ce temps aussi que l’on mange un peu de viande », confie-t-elle. Sa voisine esquisse un sourire navré. C’est elle qui enchaîne : « le deuxième quart, est celui des gamelles sans viande et dans le meilleur des cas un couscous. Le troisième est celui du petit déjeuner que l’on prend le matin, à midi et le soir. C’est à dire du pain que l’on fait passer avec du thé ». « Et le quatrième ? », est-on tenté de leur demander avec empressement.

En réponse, Hafida dit avec une étonnante autodérision, augmenter en cette période la fréquence de ses visites avec son mari et ses enfants aux différents membres de sa famille. Sa voisine, le ton plus ferme, affirme quant à elle recourir aux ardoises chez l’épicier du coin et le vendeur de légumes. Avant de rentrer chez elles, les deux femmes espèrent et pour elles et pour tous les Marocains qui se trouvent dans leur cas, des temps meilleurs.

Source : Le Reporter - Mohamed Zainabi

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