Ces lieux qui font peur aux Marocains

18 février 2008 - 23h55 - Maroc - Ecrit par : L.A

Cela peut sembler actuellement trop exagéré que de dire que des institutions marocaines suscitent la peur. Pourtant, les Marocains avaient peur des années durant, des commissariats, moukataâte ou autres institutions. Certes, les choses ont complètement changé au Maroc, mais de nombreux citoyens gardent toujours des souvenirs des lieux qui étaient jadis une source de crainte. Il fut un temps où la seule mention de l’un d’eux faisait trembler plus d’un. Aujourd’hui et sous le poids de l’histoire, certaines institutions ne sont pas encore parvenues à se détacher complètement de cette perception d’un passé déjà très loin notamment dans le milieu rural.

Mustapha, 54 ans, est un habitant de l’ancienne médina à Casablanca. A chaque fois qu’il passe devant la « Moukataâ de Bousmara », il se rappelle des moments qu’il a dû passer dans cet arrondissement après l’une des fameuses rafles de la police dans les années 70. « J’avais l’habitude de rester un peu tard la nuit dans la rue, c’est ainsi que j’ai été maintes fois arrêté par la “raf’’.

Durant cette période, les individus appréhendés par les policiers étaient emmenés dans l’arrondissement le plus proche. A chaque fois, on me libérait au bout de deux jours » témoigne t-il. Ce dernier a déclaré que tous les habitants de son quartier à la médina, se dirigeaient vers les moukataâtes lorsqu’une personne tardait à rentrer. Ils étaient tous certains de la retrouver là-bas.

A cette époque, les arrondissements étaient similaires à des commissariats de police. C’est d’ailleurs pour cette raison même que les gens qui devaient y faire un détour pour des raisons administratives avaient peur de s’y rendre. « Longtemps après, je continuai à avoir la peur au ventre quand j’allais à la moukataâ pour demander un extrait de naissance ou un certificat de résidence. C’était quand même débile d’avoir la trouille à chaque fois mais les souvenirs de ma détention réapparaissaient lors de chaque passage à la moukataâ » ajoute Mustapha.

Mais les commissariats de police étaient sans nul doute, les lieux qui faisaient le plus peur. Si pour les uns, le contact direct avec les policiers était toujours une source de crainte, pour d’autres, le passage au commissariat pour une démarche administrative était une expérience difficile. Hamid, la quarantaine, est chauffeur de taxi. Il garde toujours un mauvais souvenir de son passage au commissariat central au Mâarif. « C’était dans les années 80. Je faisais la queue avec des dizaines d’autres personnes en attendant mon tour pour déposer mon dossier afin d’obtenir ma carte d’identité nationale. Je parlais avec un voisin lorsque j’ai reçu une gifle foudroyante de la part d’un inspecteur. Ma faute : je ne me tenais pas droit en faisant la queue. Je ne suis pas devenu phobique après cet incident mais disons que je suis plus méfiant. Je me tiens droit pour éviter un passage au commissariat ! », affirme Hamid.

Dans le milieu rural, c’était plus les postes de la gendarmerie qui faisaient peur. Une grande partie des ruraux évitaient même de passer devant l’un d’eux. Bouchaib, 60 ans habitait dans un douar à Oulad Haddou, à la périphérie de la métropole avant de s’installer en ville.
Il raconte quelques unes des petites anecdotes avec les gendarmes. « “Jadarmiya’’ venaient toujours en Jeep. On pouvait les apercevoir de très loin. Et tous ceux qui voyaient ces véhicules prenaient la fuite. Certains se cachaient dans les champs, d’autres plongeaient dans l’oued. Ils ne réapparaissaient qu’après le départ des gendarmes. Un jour, un habitant de notre douar a sauté par-dessus un mur d’un 1m50 parce qu’il voulait s’enfuir. Une prouesse tellement impressionnante qu’elle lui a valu le surnom de Jaguar dans tout le douar ». Pour Bouchaib, cette panique trouve son explication dans les méthodes musclées des gendarmes durant les enquêtes. « Lorsqu’un incident se produisait, “Jadarmiya’’ ne faisaient pas de distinction et ils embarquaient plusieurs personnes à la fois. C’est pour cette raison que ça courait dans tous les sens dès qu’ils débarquaient », ajoute t-il.

Autres institutions qui imposent à la fois respect et crainte : les tribunaux. Fatima, une femme au foyer âgé de 49 ans garde toujours les souvenirs d’une après-midi passée au tribunal régional à Derb Sultan. C’était il y a une trentaine d’années. « Déjà à l’entrée, j’avais très peur. Deux policiers armés de mitraillettes montaient la garde. A l’intérieur, un silence religieux lorsque une voix rauque est venue le briser. “Mahkama’’ avait énoncé un monsieur habillé d’un costume bleu et coiffé d’un tarbouch rouge. Les magistrats eux, portaient des habits tout noirs. Un policier m’avait fait quitter la salle car ma petite fille n’arrêtait pas de bouger. Et c’est après moult supplications qu’il m’a permis de rester pour suivre le procès de mon frère. Depuis, je n’ai jamais remis les pieds dans un tribunal. L’atmosphère qui y règne me fait très peur ».

Ainsi, de nombreux marocains gardent des souvenirs sur des institutions qui leur font peur. Fort heureusement, les choses ont changé et toutes les mauvaises expériences font partie du passé.

La ville des choses sérieuses

Rabat, la capitale administrative du Maroc, est sans nul doute, la ville qui suscite le plus respect et crainte. Le voyage dans cette ville est toujours vécu pour beaucoup de familles marocaines comme un grand événement. Quelques années auparavant, toutes les institutions et autres administrations étaient concentrées dans cette ville. Les citoyens y convergeaient de toutes les régions pour demander ou recevoir une attestation ou un certificat. Et le voyage était souvent pénible. Zohra est professeur d’histoire et de géographie dans un lycée casablancais. Pour elle et tous les bacheliers des années 70, il fallait se déplacer à Rabat pour recevoir le diplôme. « Je me rappelle encore de cette période. Imaginez un lieu où tous les bacheliers du Maroc sont réunis. C’était le cas pour nous. La queue était tellement longue que l’attente pouvait durer des jours et des jours. Ce genre d’expérience reste toujours lié à cette ville ».

Par ailleurs, tous les criminels à travers le Royaume craignent la police de Rabat. Aux dires de certains jeunes interrogés dans l’un des quartiers populaires à Casablanca, les dealers et caïds les plus dangereux sont souvent appréhendés par des brigades de police venues spécialement de la capitale. Comme quoi Rabat reste la ville des choses sérieuse, par excellence.

Source : Le Matin - Mohamed Badrane

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