BMW, Renault et Managem au cœur d’un scandale écologique au Maroc ?

13 novembre 2023 - 19h00 - Economie - Ecrit par : S.A

Une enquête dévoile la pollution importante de certains villages marocains où sont déchargés des résidus miniers. BMW, Renault et la Managem, grande entreprise minière marocaine, sont pointés du doigt.

« La chaîne ne commence pas avec la production dans les usines de BMW, mais avec l’extraction des matières premières. Le cobalt, qui revêt une grande importance pour la production de batteries, sert d’exemple », annonce le constructeur dans une publicité avec le slogan « BMW, la voiture la plus verte », assurant par ailleurs que son cobalt proviendrait de « mines responsables », notamment l’entreprise Managem, son fournisseur marocain dont la mine est située au village de Bou Azzer. Cette publicité contraste toutefois avec la réalité. En témoigne l’enquête « L’exploitation minière assèche les pays pauvres » réalisée à Bou Azzer par Reporterre en partenariat avec le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, les radiotélévisions allemandes NDR et WDR et le média marocain Hawamich à la suite des graves accusations portées depuis des années par les mineurs, syndicalistes et habitants de la région contre l’exploitation de cobalt par la Managem.

À lire : Bonus écologique : l’avenir incertain de la Citroën AMI au Maroc

La mine de la Managem qualifiée de « responsable » est à la fois une mine de cobalt et une mine d’arsenic, un produit hautement cancérigène utilisé dans les insecticides. L’entreprise produit environ 7 000 tonnes d’arsenic par an, contre 2 000 de cobalt. Les mineurs en sous-traitance confient avoir travaillé sans protection respiratoire, exposés aux poussières du minerai et des explosifs. Ces conditions de travail ne sont pas sans conséquence sur leur santé : maladies de peau typiques de l’intoxication à l’arsenic, silicose, etc. Interrogée à ce sujet, la Managem assure prendre toutes les précautions nécessaires, de l’extraction d’air dans les galeries « au port de protections respiratoires individuelles ». Sauf que les photos de Bou Azzer publiées dans les rapports de l’entreprise elle-même prouvent le contraire. Si risque devrait y avoir, il serait limité, selon Managem. La situation des mineurs relève « d’un déni de la notion même de santé au travail. La nature de ce minerai arsénieux est inquiétante, et elle s’ajoute à la silice de la roche et aux poussières des explosifs auxquels sont exposés les mineurs, commente Alain Carré, médecin du travail et spécialiste de la santé des mineurs.

À lire :Renault choisit de produire le Kardian au Maroc

« Dans un tel gisement, il faudrait une captation extrêmement efficace de l’empoussièrement et une introduction d’air neuf, des dispositifs d’aspiration sur les marteaux-piqueurs, des masques à cartouche avec des heures de travail limitées pour que tout ceci soit supportable pour les mineurs. Pas sûr que ce ne soit praticable ou rentable, ce qui, peut-être, justifierait l’abandon pur et simple de l’exploitation », ajoute-t-il. « Dans un cas comme celui-ci, une exploitation minière responsable nécessiterait qu’à chaque stade de l’exploitation et de la transformation du minerai, il y ait un confinement systématique des poussières. Il faudrait que les résidus chargés en arsenic et autres métaux toxiques soient, eux aussi, systématiquement confinés et ne s’infiltrent ni dans les sols ni dans les eaux de ruissellement », recommande Annie Thébaud-Mony, sociologue directrice honoraire de recherche à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) et spécialiste des cancers professionnels.

À lire :France : la réforme du bonus écologique pourrait affecter l’industrie automobile marocaine

Renault qui a signé un accord avec l’entreprise Managem en 2022 et n’hésite pas à mettre en avant son « approvisionnement durable » en « cobalt responsable » du Maroc est aussi impliqué dans ce scandale écologique. Tout comme BMW, elle achète des tonnes de cobalt auprès de l’entreprise marocaine. Seulement, ces deux entreprises étrangères n’ont vraiment pas mené de véritable audit, pour identifier les risques de leur chaîne d’approvisionnement, notamment les atteintes aux droits humains, à la santé et à l’environnement et prendre des mesures pour en limiter les conséquences néfastes comme cela se fait en France et en Allemagne. « La production de cobalt du groupe Managem a été certifiée selon les critères de la Responsible Minerals Initiative », par « une évaluation d’Ecovadis » et « le groupe Managem fait partie de l’Alliance pour le cobalt équitable », a répondu Renault, interrogée à ce sujet. Or, la Responsible Mining Initiative assure à Reporterre n’avoir récolté « aucun élément sur la mine de Bou Azzer ».

À lire :Renault va produire plus de véhicules électriques au Maroc

Sur le même sujet, BMW, qui achète du cobalt du Maroc depuis 2020, répond : « En juin 2022, des représentants du groupe BMW ont visité la mine de Bou Azzer. Mais il ne s’agissait pas d’un examen détaillé des normes environnementales et sociales. Dans l’ensemble, nos collègues ont eu une impression positive de la mine et n’ont pas pu identifier de problèmes notables. » Sauf que des taux d’arsenic ont été relevés dans la région. Informé, le constructeur allemand indique avoir « demandé un examen complet à son fournisseur ». Il entend aussi « exiger des contre-mesures immédiates » pour améliorer la situation environnementale et sociale à Bou Azzer.

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Renault - Automobile - Environnement - Managem - BMW

Aller plus loin

Essaouira parmi les destinations les plus écologiques du monde

Essaouira est l’une des 24 meilleures destinations que les touristes britanniques peuvent visiter au printemps prochain. C’est ce qu’indique le classement du « Condé Nast...

Bonus écologique : l’avenir incertain de la Citroën AMI au Maroc

À l’heure où le gouvernement français engage une réforme du bonus écologique pour les voitures électriques, le prix de la Citroën AMI, une voiture sans permis électrique,...

France : la réforme du bonus écologique pourrait affecter l’industrie automobile marocaine

Le président français Emmanuel Macron engage la réforme du bonus écologique pour les voitures électriques, laquelle favorisera l’industrie automobile européenne mais pourrait...

Renault va produire plus de véhicules électriques au Maroc

Renault ambitionne d’ici 2027 de lancer huit nouveaux modèles hybrides et électriques (E-Tech) et de doubler le bénéfice net par unité vendue hors d’Europe et notamment au Maroc.

Ces articles devraient vous intéresser :

Dacia, leader du marché automobile marocain, Renault et Hyundai en embuscade

Le marché automobile marocain a connu un début d’année 2024 en demi-teinte, avec une croissance encourageante en janvier suivie d’une baisse inattendue en février.

Environnement : l’engagement fort Royal Air Maroc

Royal Air Maroc (RAM) a adhéré au programme d’évaluation environnementale de l’Association Internationale du Transport Aérien (IEnvA), visant à atteindre la durabilité dans tous les domaines des opérations aériennes et au sol.

Du nouveau pour la NamX, la voiture à hydrogène créé par un Marocain

Le constructeur franco-marocain NamX dirigé par le Marocain Faouzi Annajah, en collaboration avec le carrossier italien Pininfarina, a dévoilé la technologie qu’il utilisera pour son NamX Huv, un nouveau véhicule à hydrogène révolutionnaire.

La voiture NEO « Made in Morocco » bientôt sur le marché

Le Maroc procèdera bientôt au lancement de NEO, la toute première voiture conçue et produite sur le sol marocain. Le véhicule a déjà validé les tests statiques et dynamiques au Maroc et à l’étranger. Le processus de son homologation est en cours.

Fiat dévoile sa Topolino, fabriquée au Maroc

Fiat a présenté mardi à Turin sa Topolino, un quadricycle 100 % électrique, fabriqué au Maroc comme la Citroën Ami.

Maroc : OCP va construire deux usines de dessalement de l’eau de mer

Le groupe marocain OCP va bénéficier d’un prêt de 2,2 milliards de dirhams, soit près de 200 millions d’euros de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) pour la construction de deux usines de dessalement d’eau de mer.

Le FMI va accorder un important prêt au Maroc

Le Fonds monétaire international (FMI) s’apprête à débloquer, à partir du nouveau fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité, un énorme prêt au Maroc, afin de renforcer la résistance du pays aux catastrophes liées au climat.

Des chercheurs marocains révolutionnent l’isolation des habitations

Des chercheurs marocains des Universités Moulay-Ismail de Meknès et de Rabat ont développé une nouvelle méthode d’isolation des habitations. Celle-ci est écologique et surtout économique.

Une usine géante de batterie bientôt au Maroc ?

Le scientifique marocain Rachid Yazami, inventeur de l’anode graphite pour les batteries au lithium, envisage de créer deux usines destinées à la production de batteries rechargeables au lithium au Maroc.

Véhicules électriques : deux usines géantes de batteries au Maroc

Le Maroc va bientôt disposer de deux usines de fabrication de batteries de véhicules. Les projets sont évalués à 6 milliards d’euros et à 4 milliards d’euros, a annoncé cette semaine Ryad Mezzour, le ministre marocain de l’Industrie et du commerce.