Français à l’étranger, Marocains au Maroc

25 août 2006 - 09h24 - Maroc - Ecrit par :

Fatiha Boucetta a été notaire à Casablanca pendant 14 ans après avoir exercé comme avocate au barreau de la capitale économique pendant 8 ans, avec pour spécialité les contentieux commerciaux

Elle a aussi publié un roman, Anissa captive, aux éditions Eddif en 1991. Peintre et photographe à ses heures perdues, elle n’en a pas moins organisé une dizaine d’expositions pour ses œuvres. Elle se propose, à travers des chroniques racontant des cas vécus, de partager, avec les lecteurs de L’Economiste, les expériences heureuses et malheureuses des gens avec la Conservation foncière, le fisc, la justice, les avocats, les notaires....

Ce petit conte (qui n’en est pas un en réalité, mais bien une histoire vécue) s’adresse surtout à nos ressortissants marocains à l’étranger, lesquels, pour vivre habituellement dans des pays dont ils respectent les lois, en oublient celles de leur pays d’origine. Un riche promoteur construit des centaines de logements et à l’instar de tous les promoteurs, il veut être payé rapidement. Un jeune couple vivant à Clermont-Ferrand, France, désire acheter un de ces appartements vendus à des prix très abordables, compris dans le programme des 300.000 logements, initié par le défunt roi Hassan II. Lesdits acquéreurs acquittent la partie du prix non déclarée au vendeur (noir oblige) et se rendent chez le notaire désigné pour finaliser la transaction. Le fonctionnaire public examine les papiers et constate que le couple jouit de la nationalité française, le mari, né à Casablanca mais ayant grandi en France, l’épouse, pour y être née.

« Loi musulmane »

Or, le plus étrange de l’affaire est qu’ils sont dûment mariés... à la mairie du treizième arrondissement à Paris ! Ils ont même un petit garçon, aujourd’hui âgé de six ans, toute cette petite famille vivant heureuse en France. Nul ne l’ignore, la nationalité marocaine n’est jamais perdue, même si on en a une dizaine d’autres. Nos deux tourtereaux, pour avoir décidé d’acquérir un bien immobilier au Maroc, forment un couple illégal au Maroc : ils ne sont pas mariés selon « la loi musulmane » et leur enfant est illégitime.
Le jeune couple est stupéfait d’apprendre du notaire la nouvelle : « vous devez impérativement, leur dit-il, aller vous marier chez les adouls avant votre retour en France, sinon le Conservateur refusera d’inscrire la vente sur les Livres fonciers ; vous êtes Marocains tous les deux, votre mariage français n’est pas reconnu ici ». D’autant plus qu’ils disposent de cartes nationales d’identité marocaines parfaitement valables.

Les jeunes gens sont fort marris de découvrir qu’ils ont vécu dans le péché musulman (pour la France, ils sont en règle, merci) et s’affolent, car ils doivent courir chez les adouls les plus proches et il ne leur reste plus que trois jours avant leur retour en France. La vente est signée, enregistrée ; reste l’inscription à la Conservation foncière.

« Aucun problème »

Pendant ce temps, comme d’habitude, le vendeur s’impatiente et commence à penser que ce notaire, qui refuse de payer le prix consigné avant l’inscription à la Conservation foncière, est trop lent, qu’il faudra en choisir un autre. La vice-présidente de la société appelle le juriste et lui annonce qu’elle a parlé personnellement au Conservateur, lequel a dit « aucun problème » : piège grossier dans lequel le notaire, pourtant dubitatif, tombe. Eh non, nul n’est infaillible. L’expédition est déposée à la Conservation foncière. Un « niet » formel est opposé à l’inscription. Les acquéreurs sont tous deux Marocains musulmans à part entière, malgré leurs beaux passeports européens. Il leur manque un acte de mariage adoulaire.

Et c’est le début d’un marathon de trois mois (sic !). Pourquoi, direz-vous ? Parce que nos deux jouvenceaux, dans leur candeur, ont laissé traîner les choses et se sont laissé dire qu’ils pouvaient aussi bien régulariser leur situation au Consulat général du Maroc à Paris. Ils profitent donc pleinement de leurs trois derniers jours de vacances et s’en retournent dans leur pays d’adoption, où ils commencent les démarches de mariage « musulman » (nous utilisons les guillemets parce que le « nikah », bien qu’énoncé dans le Coran, n’a rien de religieux et que c’est un acte purement civil).

Service public

Le jeune couple se présente au consulat, pensant régler une simple formalité. C’était compter sans l’intransigeance de nos services administratifs qui, même délocalisés, démontrent leur haute compétence : l’œil perspicace du fonctionnaire détecte une erreur dans la transcription du nom de l’époux, né au Maroc. Il faut faire un rectificatif : produire un extrait de son acte de naissance, à authentifier par le Tribunal de première instance (de Casablanca, bien sûr). Connaissant la nonchalance des membres du service public, les jeunes gens doivent attendre que les papiers soient rectifiés à Casa : un mois. Que le tribunal passe l’affaire en référé : deux autres mois. Ils reviennent alors au consulat, l’époux et l’épouse avec leurs témoins et même, à titre de dot, la somme de sept mille francs français, condition nécessaire à la licité du mariage ; l’acte est établi ; l’envoyer au notaire par pli recommandé (encore deux semaines).

La vente, qui a été signée en décembre 2003, et qui dort à la Conservation foncière, n’y est inscrite qu’en mars 2004, après que le notaire ait produit l’original de l’acte adoulaire au Conservateur.
Moralité : frères et sœurs Marocains, où que vous soyez dans le monde, sachez qu’au Maroc vous êtres des nationaux : obéissez aux lois de vos pères, mettez-vous en règle, vous pourrez repartir et vivre tranquilles... dehors.

Fatiha Boucetta - L’Economiste

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