Ces conjoints étrangers contraints à la clandestinité

3 janvier 2008 - 22h36 - France - Ecrit par : L.A

A Lodève, dans l’Hérault, Majid se cache. Ce jeune Marocain a reçu en juin une « obligation de quitter le territoire ». « Il déprime. Il n’ose plus faire de courses. Je ne suis pas sûre que notre couple résiste à cette épreuve », se désole sa femme, Delphine El Badaoui.

Cette mère de deux enfants, veuve d’un premier mariage, a rencontré Majid en 2003 et l’a épousé en juillet 2006, pensant alors que leur situation administrative se réglerait facilement.

Les consulats accordent difficilement les visas nécessaires

La politique de lutte contre les mariages blancs et de restriction de l’immigration familiale plonge ainsi dans la clandestinité de nombreux couples binationaux.

L’administration exige systématiquement des conjoints étrangers en situation irrégulière qu’ils repartent dans leur pays d’origine pour une régularisation. Mais sur place, les consulats accordent de plus en plus difficilement les visas long séjour nécessaires pour revenir en France.

Michèle Orozco en a fait l’expérience. En 2003, elle rencontre à Paris un Colombien en situation irrégulière, Aristides. En 2005, le couple se marie. Fin 2006, Aristides repart en Colombie où il espère obtenir un visa. Mais l’affaire traîne et en mai 2007, le consulat, suspectant un mariage blanc, le lui refuse.

L’Etat craint les mariages blancs

Des histoires comme celles-ci, le collectif « les Amoureux au ban public », lancé au printemps dernier par Nicolas Ferran, en recense des centaines.

« Par crainte de mariages blancs, l’État ferme peu à peu toutes les portes, explique François Ferran. De la même manière qu’ils le font pour les visas, les consulats bloquent aujourd’hui les transcriptions à l’administration française des actes de mariage effectués à l’étranger. »

Juriste de formation, Nicolas Ferran a décidé de porter le combat sur le terrain du droit. Depuis le mois de juin, une vingtaine de recours en référé ont été introduits devant le juge administratif qui, à chaque fois, a donné raison aux couples mixtes, explique-t-il.

Sans cette procédure, Michèle Oroz co attendrait sans doute encore son mari. En juillet dernier, cette mère de deux enfants, qui travaille comme conseil juridique, est venue en personne défendre son cas devant le Conseil d’État. « J’ai expliqué que je continuais d’envoyer de l’argent, de correspondre via Internet avec Aristides, que notre relation continuait malgré la séparation. »

Résultat, le Conseil d’État a donné trois jours au ministère des affaires étrangères pour délivrer le visa et le consulat à Bogota s’est promptement exécuté.

Une enquête de police devra établir qu’ils vivent ensemble

Audrey Amraoui a la chance d’avoir pu passer les fêtes de fin d’année en compagnie de son mari, Alae, dont elle attend un enfant. La jeune femme, chef de projet dans une agence de communication, a épousé ce Marocain en mai dernier à Montpellier. En août, le couple est parti au Maroc pour le mariage religieux et afin de régulariser la situation d’Alae.

Mais là aussi, l’obtention d’un visa se présentait mal. Sans attendre, Audrey, avec le soutien des « Amoureux au ban public », a engagé une procédure en référé. « Dès que le consulat l’a su, il a délivré le visa long séjour », raconte la jeune femme.

Le couple n’en a pas pour autant fini avec les contrôles administratifs. Il a dû se rendre à la préfecture pour remplir le dossier de déclaration de vie commune. Chaque année, durant quatre ans, une enquête de police devra établir qu’ils vivent toujours ensemble. Passé ce délai, seulement, Alae pourra espérer obtenir une carte de résident de dix ans.

Les « Amoureux au ban public » prennent de l’ampleur

Au-delà de ces tracasseries, c’est l’immixtion de l’État dans la vie privée de ces couples que dénonce Nicolas Ferran : « Parfois, des couples ne marchent pas mais sont contraints de rester ensemble uniquement pour ne pas risquer une expulsion. »

Son collectif a pris de l’ampleur, avec 115 dossiers à Montpellier et 300 à Paris après seulement six mois d’existence.

En début d’année, il présentera un recours devant la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde), puis organisera des états généraux et une campagne nationale.

La Croix - Bernard Gorce

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