Faite à Alger, cette déclaration confirme seulement une certaine attitude, d’autant plus que l’Espagne est membre du Conseil de sécurité, actuellement penché sur l’affaire du Sahara. « Nous souhaitons toujours, a-t-il précisé, qu’il y ait une entente, un accord entre les parties. C’est là la position traditionnelle de l’Espagne qui reste telle quelle en ce moment ».
Le chef du gouvernement espagnol a affirmé notamment : « Je respecte l’initiative du secrétaire général de l’ONU et souhaite que les parties puissent conclure des accords qui recevront notre support ». Le propos ne prête à aucune confusion, certes. Il fait écho cependant à la sortie, dans le même dîner, de Abdelaziz Bouteflika qui a cru bon d’avancer que « l’affaire du Sahara est une question de décolonisation dont le règlement relève de l’ONU… ».
Il y a là langage en demi-teinte, des tirs croisés entre le président algérien et son hôte. Curieuse alchimie des choses : la “ décolonisation ” qu’invoque paradoxalement M. Bouteflila comme une condition sine qua non à tout règlement n’est-elle pas celle-là même à laquelle étaient parvenus, le 14 novembre 1975, Maroc et Espagne ? Pourquoi aux yeux du même président, à l’époque impétueux chef de la diplomatie algérienne, la notion de décolonisation du territoire était-elle à ce point méprisée, combattue par son gouvernement et vouée aux gémonies ?
Pourquoi en revanche aujourd’hui, vingt-huit ans après, elle retrouve grâce à ses yeux ? Qui plus est devant le chef de gouvernement d’Espagne, le même pays qui avait signé l’accord de Madrid, exemple s’il en est de l’aboutissement de tout processus de décolonisation ?
Ce que l’Algérie avait abhorré hier l’adore-t-elle subitement aujourd’hui ? Comme quoi, on ose à peine le penser, le cynisme est toujours le trait saillant du réalisme politique. Encore que la référence à cette notion n’a vraiment plus cours dans la littérature juridique des Nations unies, parce qu’il n’existe pratiquement plus de territoire à “ décoloniser ” sur terre. La théorie des Etats ayant elle-même évolué, les entités lilliputiennes qu’Alger s’efforce contre vents et marées à créer ex nihilo au Sahara devenant fictives et illusoires. MM. Aznar et Bouteflika se sont, en effet, entretenus sur bien des choses et ont même “ souligné l’essor remarquable de leurs relations ”.
Ils se sont félicités aussi de ce qu’ils appellent la “ coopération stratégique privilégiée ” qui constitue le pilier du traité d’amitié signé entre eux en octobre 2002 et qui se jauge, calculs obligent, à l’aune de quelque 3 milliards de dollars. L’Algérie est considérée comme le “ premier partenaire économique de l’Espagne dans le monde arabe et le dixième partenaire sur le plan international ”.Elle approvisionne l’Espagne à raison de plus de 60% pour ses besoins énergétiques.
Comment s’étonner qu’une certaine complicité puisse inspirer une attitude commune ? Madrid marque néanmoins ses pas et s’en remet à l’ONU ; à tout le moins elle demeure prudente. En souhaitant un “ accord entre les parties ”, M. Aznar se donne le privilège de ne rien exiger ou d’imposer quoi que ce soit au Maroc.
Le Matin