Transfert de fonds : 350 guichets dans l’illégalité !

20 février 2008 - 01h16 - Economie - Ecrit par : L.A

Bank Al Maghrib remet de l’ordre dans le secteur du transfert de fonds. En effet, la direction de la supervision bancaire (DSB) maintient le forcing sur les opérateurs pour qu’ils se mettent en conformité avec les dispositions d’une lettre circulaire qu’avait publiée la banque sur les conditions d’exercice de l’activité. Datée du 18 septembre 2007, ladite circulaire, n° 05/DSB/2007, avait en effet fixé les obligations auxquelles doivent répondre les sociétés désireuses d’exercer l’activité de transfert de fonds.

Début février, les responsables de la direction ont tenu une réunion à laquelle ont été conviés les opérateurs ainsi que les représentants de sociétés internationales telles que Western Union et Money Gram. Ordre du jour : faire le point sur l’état d’avancement de la mise à niveau. Entre autres obligations faites aux opérateurs, l’article 4 de la circulaire exige que les locaux dans lesquels s’exercent ces activités soient dédiés exclusivement au transfert de fonds.

Or, aujourd’hui, une telle disposition pose problème à un certain nombre d’opérateurs exerçant déjà sur le marché. En effet, et comme l’explique le patron d’une société structurée de la place, « certains prestataires de services exercent cette activité dans des points de vente qui ne répondent pas aux normes standards ». Une information confirmée par une enquête de Bank Al Maghrib qui a permis de faire des découvertes parfois insolites : des garages, des dépôts, des téléboutiques... servent de locaux pour des activités de transfert de fonds.

Obligations à respecter : locaux exclusivement dédiés, systèmes d’informations, procédures

Aujourd’hui, le problème se pose essentiellement pour trois opérateurs de la place, à savoir Eurosol, Daman Cash et Quick Money Mobile Phone, tous trois mandataires de Money Gram. Ces trois sociétés disposent, ensemble, d’un réseau de 50 points de vente tenus en propre, en plus de 300 autres points de vente relevant de sous-mandataires, généralement des commerçants indépendants habilités à faire des opérations de transfert de fonds. Au total, plus de 350 points qui ne remplissent pas les conditions et qu’il faut, par conséquent, mettre à niveau. A ces trois entreprises, il faut en rajouter une quatrième, Mea Finances, opérateur multimarque puisqu’il travaille sur ce qu’on appelle, dans le jargon du métier, les « corridors ». Ainsi, Mea Finance se spécialise dans le transfert de fonds entre le Maroc et certains pays, par exemple l’Espagne ou l’Italie, en fonction de l’importance de la communauté marocaine qui y réside. Dans ces pays, la société noue des partenariats avec de petites sociétés peu connues pour en faire des correspondants.

Cependant, à lire la lettre circulaire de Bank Al Maghrib, il n’y a pas que la question des locaux qui pose problème. Celle-ci est peut-être même une question secondaire car la circulaire édicte d’autres obligations, notamment en termes de systèmes d’information, de procédures de comptabilité, de contrôle interne et de reporting financier... Sans oublier l’obligation pour les sociétés, qu’elles soient mandataires ou sous-mandataires, d’avoir un capital minimal de 3 MDH. Ce qui est difficilement réalisable pour de petits commerçants dans des localités excentrées.

Question : que faire avec ces 350 points de vente qui, manifestement, sont hors-la-loi ?

Les fermer purement et simplement n’est pas aujourd’hui envisagé par les autorités monétaires. « Ce sont des opérateurs qui fonctionnent déjà et qui ont entamé leurs activités à un moment où il n’y avait aucune réglementation en la matière. Nous ne pouvons décider du jour au lendemain d’y mettre fin ». Bank Al Maghrib a donc préféré procéder graduellement en invitant les opérateurs en question à se mettre à niveau. Les responsables à l’international de la société Money Gram sont sollicités, plusieurs d’entre eux étant mis à contribution pour aider les mandataires à se conformer aux nouvelles dispositions : actions de formation, équipement et réhabilitation des locaux, mise en place des procédures et des systèmes d’information...

Toutefois, les opérateurs, aujourd’hui mis devant le fait accompli, contestent certains aspects des dispositions de la circulaire de Bank Al Maghrib. Ainsi, selon certains professionnels, l’article 4 relatif aux locaux dédiés, est en décalage par rapport aux pratiques internationales, plus souples sur ce point, notamment dans les pays européens. En outre, il compromet le business model de la filière puisque, hormis les réseaux affiliés à des banques (Wafacash par exemple) qui jouent à fond les synergies avec leur maison mère et s’appuient sur la logistique de celle-ci, les autres concurrents ne peuvent rentabiliser leurs investissements qu’en étendant au maximum leur capillarité. Or, un réseau propre de plusieurs centaines de points de vente (voire des milliers) coûte très cher. Il faut donc faire appel à des mandataires, souvent des petits commerçants qui disposent déjà d’un bon achalandage et qui souhaitent diversifier leurs sources de revenus. Ceux-ci bénéficient de l’expertise, du système d’information, du matériel et de la force du réseau de leurs mandants, tels Money Gram, Western Union ou Canal M, avec qui ils partagent les bénéfices. Ces derniers, pour leur part, peuvent ainsi atteindre, rapidement et à moindre investissement, la taille et l’étendue géographique critiques pour gagner des parts de marché. Des arguments défendables. Encore faut-il en persuader les autorités monétaires.

Source : La vie éco - Saâd Benmansour

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Transferts des MRE - Politique économique - Banques - Bank Al-Maghrib (BAM)

Ces articles devraient vous intéresser :

MRE et l’OCDE : l’heure de la renégociation fiscale

Le gouvernement marocain affirme vouloir préserver les intérêts des six millions de Marocains résidant à l’étranger (MRE). Il entend engager dans les prochains jours des négociations avec l’OCDE pour revoir les conventions relatives à l’échange des...

Flexibilité du dirham : pas de précipitation pour Bank Al-Maghrib

Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, conditionne un nouvel élargissement des bandes de fluctuations du dirham à la levée des incertitudes concernant les perspectives économiques mondiales et nationales.

Maroc : les nouveaux billets et pièces de monnaie dévoilés

Les nouveaux billets de banque et pièces de monnaie émis par Bank Al-Maghrib (BAM) sont entrés en circulation ce vendredi 24 novembre 2023.

Le dirham remonte face à l’euro

Le dirham marocain s’est apprécié de 0,48% face au dollar américain et s’est déprécié de 1,56% vis-à-vis de l’euro, durant la semaine allant du 13 au 18 juillet courant, selon les données publiées par Bank Al-Maghrib (BAM).

Appel à mettre fin à l’échange d’informations fiscales des MRE

L’Organisation démocratique du travail (OMT) a vivement critiqué la politique gouvernementale à l’égard des Marocains résidant à l’étranger, pointant du doigt une approche jugée superficielle et occasionnelle, particulièrement lors de l’accueil des MRE...

Dépréciation du dirham par rapport à l’euro et au dollar

La devise marocaine s’est dépréciée de 0,77 % vis-à-vis de l’euro et de 0,89 % face au dollar américain durant la période du 07 au 13 décembre. C’est ce que précisent les indicateurs publiés par Bank Al-Maghrib (BAM).

Le dirham remonte face à l’euro et au dollar

La devise marocaine s’est appréciée de 0,63 % face à l’euro et de 0,64 % vis-à-vis du dollar américain, au cours de la période allant du 27 avril au 03 mai. C’est ce que précisent les indicateurs publiés par Bank Al-Maghrib (BAM).

Le dirham marocain prend de la valeur par rapport à l’euro

Le dirham s’est apprécié de 0,12% vis-à-vis de l’euro et s’est déprécié de 0,34% face au dollar américain entre le 01 et le 07 février 2024, selon Bank Al-Maghrib (BAM).

Le dilemme des MRE : vendre leurs biens ou se soumettre à l’échange fiscal

Des Marocains résidant à l’étranger (MRE) appellent à la suspension de l’accord multilatéral sur les échanges de renseignement automatiques des comptes financiers.

Le dirham reste stable face à l’euro

La devise marocaine est restée presque stable face à l’euro et s’est appréciée de 0,84 % vis-à-vis du dollar américain, au cours de la période allant du 20 au 26 avril. C’est ce que précisent les indicateurs publiés par Bank Al-Maghrib (BAM).